Note d’Achille Tyrell : l’esprit d’Adèle semble muré dans le silence. Quelque chose l’empêche de communiquer de vive voix avec moi. En revanche, elle m’a indiqué où trouver un extrait de son journal personnel écrit à Jersey. Qui sait, peut-être que certaines informations qui y sont consignées pourront nous être utiles.
17 octobre 1853 – J’ai vu un petit garçon de cinq ans qui m’a dit : » Je t’aime parce que tu es gentille, mais je n’aime pas ton père, c’est un rouge. »
18 octobre – Depuis quelques temps, M. Jules Allix est arrivé sur l’Île. Il n’est pas beau, mais il a beaucoup d’esprit et hait le gouvernement présent avec le dernier mépris : » Je ne m’occupais plus de politique car j’étais concentré sur la science, a-t-il dit ; mais le coup d’État m’a rendu toute mon ancienne ardeur ! »
19 octobre. – Je l’aime parce qu’il est anglais, royaliste, blond, matière, passé, soleil. Je n’ai pas de mérite à échauffer le feu génie mais je de la gloire à faire fondre la neige. Maman ne me quitte pas d’une semelle, elle ne veut pas que je sois seule avec lui. Mais le mal est déjà fait.
20 octobre. – Delphine de Girardin m’a montré quelques plantes exotiques qu’elle a fait importer depuis le Mexique. Certaines ont des propriétés spéciales. Maman était très intéressée, elle lui en a même achetée quelques unes.
21 octobre. – Je suis fatiguée, j’ai des sautes d’humeur et une nausée presque permanente. Je préfère ne pas trop m’en plaindre, ma mère en ferait certainement plus grand cas que nécessaire.
22 octobre. – Nous nous promenions sur l’Île quand nous fûmes accostées par M. Pinson. De là, nous dînâmes à la Conciergerie ; on parlait de la Dame aux camélias comme d’un succès éternel, et installé dès la première représentation. » Cela a été sans un sifflet, dit M. Auguste Vacquerie. Est-ce bon ? Est-ce mauvais ? » – » Monsieur, lui répondis-je, quand une chose passe comme une lettre à la poste, c’est que c’est plat. »
24 octobre. – Je souffre tant que je suis restée dans ma chambre toute la journée.
La page suivante est arrachée, puis le carnet semble ne plus avoir servi.
Je ne peux pas être coupable puisqu’à 11h30 j’étais avec mon bel Albert Pinson, nous faisions une délicieuse promenade en bord de mer ! Oh Delphine de Girardin nous a accompagnée au début, mais je l’ai suppliée de nous laisser vivre ce moment romantique à deux, et elle a tout de suite accepté et elle est partie. Je ne sais pas où elle est allée, je ne l’ai revue qu’à l’heure du déjeuner.
La seule personne que je suspecte est Jules Allix. Déjà il est trop bizarre. Mais surtout, il a dépensé beaucoup d’argent pour ses inventions farfelues, il doit avoir bien besoin de ce trésor pour rembourser ses dettes !
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